Le vent absent
Visage rugueux, taillé à coups de fourchette dans un bloc de vulgaire grès. Orbites creusés, yeux sales et moustache hirsute.
Il
a fini par se couper le nez, un matin de printemps, en le plaçant à
l'entrejambe d'une paire de ciseaux à papier. Une lame scintille,
l'autre est mate et sombre. Il a beaucoup saigné du nez.
Rien de mieux si vous voulez vous reforger un profil.
Ne restent que deux trous au milieu d'un triangle de chair écorchée. Après ça, les gens le laissaient tranquille.
Toujours transpirant, il n'enlevait jamais pourtant son manteau brun, et ses mains ne sortaient de ses poches que pour sillonner l'air autour de lui de manière désordonnée, paniquée, comme celles d'un qui se noie.
Voilà un homme que le vent évite.
Le vent le contourne mais ne vient jamais à son contact. Celui-là ne déplace pas d'air, et l'air le boude.
Pas de caresse, pas d'odeurs apportées (d'où finalement ces deux narines grotesques flottant au fond des cabinets).
Et le prisonnier de cette bulle de stagnance étouffe et subit la mort la plus lente, celle de l'absence de choc.