Les allumeurs de réverbères
La nuit est tombée sur le monde. Les gens par milliers rentrent dans
des moules étouffants et en sortent bien conditionnés pour nourrir
l'armement mondial, la haine raciale, la consommation à tout prix.
L'indifférence est générale, on oublie les consciences. On s'inquiète
plus des crises du fric que des estomacs du tiers monde, si vides qu'il
sont prêts à imploser, pendant qu'on gaspille la bouffe. Notre
faiblesse c'est l'oubli. L'oubli systématique des autres, de ce qu'ils
ressentent.
Le monde est dans l'obscurité. Et dans le noir, dans
le froid, un petit groupe allume les réverbères. Emmitouflés dans
d'épais manteaux, ces gars et ces filles, avec de longues perches,
défilent dans les rues et font tout pour réveiller les flammes. Les
réverbères sont pleins de givres, rouillés... Mais à chaque flamme qui
brille dans la nuit, les allumeurs gagnent un combat. Un combat
éternel, toujours recommencé, contre l'obscurité. La petite flamme
brille d'autant plus fort que la nuit est noire. Ils viennent de tous
les coins du monde, ils ont des profils très différents. Celui-là est
acteur, celui-ci est flic, peu importe. Les allumeurs de réverbères
marchent dans le monde, dans la nuit. Merci à eux !