Oh !

C'est l'histoire d'un garçon qui avait des problèmes au coeur. Un jour, il avait un peu couru pour attraper un bus. Tandis que, debout au milieu du bus, il essayait de reprendre son souffle, son pauvre petit muscle rabougri battait à tout rompre. L'effort le rendait tout rouge. Il tomba au sol quelques minutes après le démarrage. Syncope. La fille qui était le plus près de lui dans le bus réagit la première. "Monsieur ? Eh ! Monsieur !" Elle s'avança et s'accroupit auprès du gars. Il ne réagissait pas. Terrifiée, elle appela le reste des passagers à la rescousse. Mais aucun ne bougea. Le conducteur beugla qu'il devait continuer à rouler jusqu'au prochain arrêt. La fille revint alors prêt du gars et lui parla, elle avait lu qu'il fallait faire ça dans les cas de perte de conscience. "Monsieur ! Vous m'entendez ? Serrez-moi la main si oui !" Il ne bougeait toujours pas. De plus en plus paniquée, elle le couvrit de son manteau, et le secoua par les épaules. Ce fut à ce moment-là qu'il ouvrit un oeil vitreux et sanguin. Quand il la vit, il ouvrit le deuxième et les écarquilla tous les deux. Il avait l'air aussi surpris que ravi. Il réussit à articuler :
"Oh ! C'est vous !"
La fille poussa un soupir de soulagement, mais quelquechose la tracassait :
"Vous me connaissez ?"
Après une horrible toux rouge qui fit replonger la fille dans la panique, le gars répondit :
"Bien sûr. Je vous attendais."
Le sang coulait de sa bouche en un flot mince mais ininterrompu. Terrorisée, la fille ne savait pas quoi faire pour l'aider. Les yeux rouges du garçon flamboyaient, et un grand sourire fendait sa face. Elle voulut se relever pour essayer d'appeler à l'aide à nouveau, mais il posa sa main sur la sienne. Il ne serra pas, mais elle suspendit son geste et se retourna vers lui. Il avait le sourire le plus heureux qu'elle ait jamais vu dans sa vie. Littéralement paralysée par l'intensité de son regard, elle put entendre le minuscule filet de voix qui s'extirpa du garçon :
"Restez donc, je m'en vais. Merci."
Il ferma les yeux et mourut là. Après un temps, elle se mit à pleurer, incrédule et heureuse : il était mort content, et c'était grâce à elle ! Le visage liquide d'émotion, elle farfouilla dans une de ses poches, en sortit un petit sucre d'orge et le glissa dans la poche du cadavre.